DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
New York, le mardi 20 septembre 2022
Emmanuel MACRON
Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Madame la Secrétaire générale adjointe des Nations unies,
Mesdames et messieurs les chefs d’État et de Gouvernement,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
C’est un honneur pour moi de prendre la parole devant cette Assemblée pour y porter la voix de
la France. Et à cet instant, je pense à ceux qui se sont battus dans mon pays mais également
partout dans le monde pour que, précisément, la France soit libre. A ceux aussi qui ont estimé
que le destin de l’Europe ne pouvait leur être indifférent en d’autres temps, et celles-là, et ceuxlà, qu’ils viennent d’Afrique, d’Asie, d’Océanie ou d’Amérique parce qu’une part de leur liberté
comme de l’avenir du monde s’y jouait. Je pense à ceux qui ont écrit notre Charte et bâti les
murs de cette organisation pour conjurer le pire une fois celui-ci advenu à deux reprises au XXᵉ
siècle, infligeant à l’humanité tout entière d’indicibles souffrances.[mfn]It is an honor for me to address this Assembly to bring France’s voice to it. And at this moment, I am thinking of those who fought in my country but also all over the world so that, precisely, France would be free. To those also who considered that the destiny of Europe could not be indifferent to them in other times, and those, and those, whether they come from Africa, Asia, Oceania or America because part of their freedom and the future of the world was at stake there. I am thinking of those who wrote our Charter and built the walls of this organization to ward off the worst once it happened twice in the 20th century, inflicting untold suffering on all of humanity.[/mfn]
N’oublions jamais cette dette. Elle sert les intérêts de tous nos pays et nous montre le chemin
de la paix. Elle nous rappelle qu’il n’est d’autre centre de pouvoir légitime et durable que celui
que les Nations décident souverainement en s’unissant. Elle nous dit que l’universalité de notre
organisation n’est au service d’aucune hégémonie, d’aucune oligarchie géopolitique. Or, cet
héritage, notre organisation, tout comme d’ailleurs nos choix en tant que Nations, sont
aujourd’hui confrontés à une alternative.[mfn]Let us never forget this debt. It serves the interests of all our countries and shows us the way to peace. It reminds us that there is no other center of legitimate and lasting power than that that the Nations decide sovereignly by uniting. It tells us that the universality of our organization is not at the service of any hegemony, any geopolitical oligarchy. However, this heritage, our organization, just like our choices as Nations, are today confronted with an alternative.[/mfn]
Nous avons aujourd’hui à faire un choix simple, au fond : celui de la guerre ou de la paix. Le
24 février dernier, la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, a rompu par un acte
d’agression, d’invasion et d’annexion, notre sécurité collective. Elle a délibérément violé la
Charte des Nations unies et le principe d’égalité souveraine des Etats. Dès le 16 mars, la Cour
internationale de justice a déclaré l’agression russe illégale et a exigé le retrait de la Russie. La
Russie a décidé, ce faisant, d’ouvrir la voie à d’autres guerres d’annexion aujourd’hui en Europe,
mais peut-être demain en Asie, en Afrique ou en Amérique latine.[mfn]We have today to make a simple choice, basically: that of war or peace. On February 24, Russia, a permanent member of the Security Council, broke through an act of aggression, invasion and annexation, our collective security. It deliberately violated the Charter of the United Nations and the principle of sovereign equality of States. As early as March 16, the International Court of Justice declared Russian aggression illegal and demanded Russia’s withdrawal. Russia has decided in doing so to pave the way for more wars of annexation today in Europe, but perhaps tomorrow in Asia, Africa or Latin America.[/mfn]
On peut dire tout ce qu’on veut aujourd’hui, j’entends nombre de débats, j’ai entendu nombre de
prises de parole. Il est une chose sûre et certaine : au moment où je vous parle, il y a des troupes
russes en Ukraine et à ma connaissance, il n’y a pas de troupes ukrainiennes en Russie. C’est un
état de fait et nous devons tous le regarder. Plus cette guerre dure, plus elle devient menaçante
pour la paix en Europe, mais aussi pour celle du monde. Elle nous conduit vers une
conflictualité élargie, permanente, où la souveraineté et la sécurité de chacun ne dépendent plus
que de rapports de forces, de taille des armées, de la solidité des alliances ou des intentions des
groupes armés et des milices. Où ceux qui se considèrent comme forts cherchent à soumettre
par tous les moyens ceux qu’ils considèrent comme faibles.
Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février dernier est un retour à l’âge des impérialismes et
des colonies. La France le refuse et recherchera obstinément la paix. Là-dessus, notre position
est claire et c’est au service de cette position que j’assume le dialogue conduit avec la Russie
dès avant le déclenchement de la guerre, tout au long des derniers mois, et que je continuerai
de l’assumer car c’est ainsi qu’ensemble, nous rechercherons la paix, la recherche de la paix par
les initiatives prises au cours des années et des mois qui ont précédé le conflit pour l’éviter.
La recherche de la paix depuis le 24 février par le soutien humanitaire, économique et militaire
que nous apportons au peuple ukrainien pour exercer son droit de légitime défense et préserver
sa liberté, la recherche de la paix par notre condamnation de l’invasion d’un État souverain, de
la violation des principes de notre sécurité collective, des crimes de guerre commis par la Russie
sur le sol ukrainien et par notre refus de l’impunité. La justice internationale devra établir les
crimes et juger les coupables.
La recherche de la paix, enfin, par notre volonté d’endiguer l’extension géographique et
l’intensité de la guerre. Il nous incombe à cet égard de soutenir les efforts de l’Agence
internationale de l’énergie atomique pour prévenir les conséquences de la guerre sur la sûreté et
la sécurité nucléaire, comme nous le ferons demain aux côtés des Ukrainiens dont la
souveraineté sur leurs centrales ne saurait être discutée. Nous avons obtenu qu’une mission de
l’Agence se rende sur le terrain et établisse un rapport de façon indépendante. Nous travaillons
ensemble pour prévenir le risque d’un accident dont les conséquences seraient dévastatrices.
Nous savons tous ici que seul un accord respectant le droit international permettra de rétablir la
paix. Une négociation ne sera possible que si souverainement, l’Ukraine le veut et la Russie
l’accepte de bonne foi. Nous savons tous aussi qu’une négociation n’aboutira que si la
souveraineté de l’Ukraine est respectée, son territoire libéré, sa sécurité protégée. La Russie doit
maintenant entendre qu’elle ne saurait imposer quelque volonté par des moyens militaires,
même en y adjoignant avec cynisme des simulacres de référendum dans des territoires
bombardés et désormais occupés. Il incombe aux membres du Conseil de sécurité de le dire
haut et clair et aux membres de cette assemblée de nous soutenir sur ce chemin de la paix.
J’appelle à cette tribune les membres des Nations unies à agir pour que la Russie renonce au
choix de la guerre, en mesure le coût pour elle-même et pour nous tous et mette un terme à son
agression. Il ne s’agit pas ici de choisir un camp entre l’Est et l’Ouest, ni entre le Nord et le Sud.
Il s’agit de la responsabilité de tous ceux qui sont attachés au respect de la Charte et à notre bien
le plus précieux, la paix, car au-delà de la guerre, c’est un risque de division du monde qui se
joue en raison des conséquences directes et indirectes du conflit.
Je sais qu’ici, dans cette assemblée, beaucoup nourrissent un sentiment d’injustice face aux
conséquences énergétiques, alimentaires, économiques dramatiques de la guerre menée par la
Russie. Je sais aussi que certains pays ici représentés sont restés dans une forme de neutralité à
l’égard de cette guerre, mais je veux vous le dire avec la plus grande des nettetés aujourd’hui :
qui voudrait mimer le combat des non-alignés en refusant de s’exprimer clairement se trompe
et prend une responsabilité historique. Le combat des non-alignés, c’était un combat pour la
paix. Le combat des non-alignés, c’était un combat au service de la souveraineté des États pour
l’intégrité territoriale de chacun. Le combat des non-alignés, c’est cela. Ceux qui se taisent
aujourd’hui servent malgré eux ou secrètement avec une certaine complicité la cause d’un
nouvel impérialisme, d’un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international sans
lequel la paix n’est possible.
La Russie s’emploie à installer l’idée aujourd’hui d’un double standard, mais la guerre en
Ukraine ne doit être un conflit indifférent pour personne. Elle est proche pour les Européens
qui ont choisi de soutenir l’Ukraine sans entrer en guerre avec la Russie. Elle est plus lointaine
pour beaucoup d’entre vous, mais nous en avons tous les conséquences directes et nous avons
tous un rôle à jouer pour y mettre un terme car nous en payons tous le prix. Par ses fondements
même, cette guerre lancée par la Russie bafoue les principes au cœur de notre organisation,
bafoue les principes du seul ordre international possible, le seul à pouvoir garantir la paix, c’està-dire le respect de la souveraineté nationale et de l’intangibilité des frontières.
À cet égard, ne confondant pas causes et conséquences, qui peut ici défendre l’idée que
l’invasion de l’Ukraine ne justifiait aucune sanction ? Lequel d’entre vous pourrait considérer
que le jour où quelque chose de semblable fait par un voisin plus puissant lui arrivait, le silence
de la région et du monde serait la meilleure des réponses ? Qui peut le soutenir ? Qui peut croire
qu’il suffirait que la Russie remporte cette guerre pour que nous passions à autre chose ?
Personne. L’impérialisme contemporain n’est pas européen ou occidental. Il prend la forme
d’une invasion territoriale adossée à une guerre hybride mondialisée qui utilise le prix de
l’énergie, la sécurité alimentaire, la sûreté nucléaire, l’accès à l’information et les mouvements
de population comme des armes de division et de destruction. C’est en cela que cette guerre
porte atteinte à nos souverainetés à tous.
Aussi, la France se tiendra aux côtés des peuples libres des Nations unies pour faire face aux
conséquences du conflit comme à toutes les inégalités qu’il accroît en récusant les logiques de
blocs ou d’alliances exclusives car au-delà des conséquences directes de la guerre, le risque qui
est aujourd’hui le nôtre est celui d’une nouvelle partition du monde. Certains voudraient nous
faire croire qu’il y aurait d’un côté l’Ouest qui défendrait des valeurs dépassées au service de ses
intérêts et de l’autre côté, le reste du monde qui a tant souffert et cherche à coopérer en soutenant
la guerre ou en détournant le regard. Je récuse cette division pour au moins deux raisons.
La première par principe, et je viens de l’évoquer. Notre organisation porte des valeurs
universelles, ne laissons pas s’installer l’idée sourde qu’il y aurait dans les valeurs de la charte
quelque chose de régional, d’adaptable. Notre organisation a bien des valeurs universelles et la
division face à la guerre en Ukraine est simple : êtes-vous pour ou contre la loi du plus fort, le
non-respect de l’intégrité territoriale des pays et de la souveraineté nationale ? Êtes-vous pour
ou contre l’impunité ? Je ne conçois aucun ordre international ni paix durable qui ne puisse être
fondé sur le respect des peuples et le principe de responsabilité. Donc, oui, nos valeurs sont
universelles et c’est pour cela qu’elles ne doivent jamais être au service d’une puissance qui viole
ces principes. Et quand, ces dernières années, nous avons pris des libertés avec ces mêmes
valeurs, nous avons eu tort, mais cela ne saurait aucunement justifier de fouler aux pieds ce que
nous avons collectivement bâti après la Seconde Guerre mondiale.[mfn]Also, France will stand alongside the free peoples of the United Nations to face the consequences of the conflict as well as all the inequalities that it increases by rejecting the logics of blocs or exclusive alliances because beyond the direct consequences of war, the risk that is ours today is that of a new partition of the world. Some would like us to believe that there would be on one side the West which would defend outdated values in the service of its interests and on the other side, the rest of the world which has suffered so much and seeks to cooperate by supporting war or looking away. I reject this division for at least two reasons. The first in principle, and I have just mentioned it. Our organization carries values universal, let’s not let the deaf idea take hold that there would be in the values of the charter something regional, adaptable. Our organization has many universal values and the division in the face of the war in Ukraine is simple: are you for or against the law of the strongest, the failure to respect the territorial integrity of countries and national sovereignty? Are you for or against impunity? I cannot conceive of any international order or lasting peace that cannot be based on respect for peoples and the principle of responsibility. So yes, our values are universal and that is why they must never be at the service of a power that violates these principles. And when, in recent years, we have taken liberties with these same values, we were wrong, but that can in no way justify trampling on what we collectively built after the Second World War.[/mfn]
Quand j’entends la Russie se dire prête à œuvrer à des coopérations nouvelles, à un ordre
international nouveau, sans hégémonie, la belle affaire, mais sur quels principes ? L’invasion
du voisin ? Le non-respect des frontières de celui qui ne me plaît pas ? Quel est cet ordre qui
est hégémonique aujourd’hui, si ce n’est la Russie ? Que nous propose-t-on ? Que nous vend-on
? Quel rêve vend-on sur la bonne foi de certaines et certains ici ? Rien qui ne tienne longtemps.
Ne cédons pas au cynisme qui désagrège l’ordre qui nous a construit et permet seul de tenir la
stabilité internationale car ces valeurs qui sont les nôtres, le respect de la souveraineté nationale,
de l’intégrité des frontières, je le dis, nous avons eu tort à chaque fois que nous avons pris des
licences avec elles mais ce sont les valeurs que nous avons bâties après la Seconde Guerre
mondiale, après les colonialismes. Refusons de faire bégayer l’histoire sous prétexte que ce sont
aujourd’hui d’autres géographies qui sont touchées et ne cédons pas.[mfn]When I hear Russia say it is ready to work on new cooperation, on an order new international, without hegemony, a big deal, but on what principles? the invasion of the neighbor ? The non-respect of the borders of the one who does not please me? What is this order is hegemonic today, if not Russia? What are we offered? What do we sell ? What dream are we selling on the good faith of some and some here? Nothing that lasts long. Let’s not give in to the cynicism that disintegrates the order that built us and alone allows us to hold the international stability because these values which are ours, respect for national sovereignty, border integrity, I say, we have been wrong every time we have taken licenses with them but these are the values that we built after the Second World War world, after colonialism. Let us refuse to make history stutter on the pretext that these are today other geographies that are affected and do not give in.[/mfn]
La deuxième raison de mon opposition à cette tentative de partition du monde est pragmatique.
En fait, derrière les divisions naissantes, il y a une tentative de partition du monde qui renforce
la tension entre les Etats-Unis et la Chine, et c’est à mes yeux une erreur funeste pour nous tous
car ce ne serait pas une nouvelle guerre froide. Plusieurs puissances de désordre et de
déséquilibre jouent de cette période pour multiplier les conflits régionaux, reprendre le chemin
de la prolifération nucléaire et faire reculer la sécurité collective. Je pense donc que nous devons
tout faire pour que cette nouvelle division ne vienne pas, car nos défis sont de plus en plus
nombreux et urgents et nécessitent de nouvelles coopérations.
Regardons le Pakistan : un tiers du pays sous les eaux, plus de 1 400 morts, 1 300 blessés, des
millions de personnes en situation d’urgence. Regardons la Corne de l’Afrique, la pire
sécheresse depuis 40 ans et une saison des pluies qui sera sans doute pire encore. La moitié de
l’humanité vit désormais dans la zone de danger climatique. Nos écosystèmes atteignent les
points de non-retour. Regardons en Somalie, au Yémen, au Soudan du Sud, en Afghanistan : la
famine revient. La crise alimentaire frappe partout et plus durement les plus fragiles. 345
millions de personnes dans le monde sont en situation de faim aiguë, dont 153 millions
d’enfants. 55 guerres civiles sont en cours sur notre planète. 100 millions de personnes sont
déplacées. Alors qu’entre 1990 et 2015, 137 000 personnes échappaient chaque jour à l’extrême
pauvreté, 345 millions pourraient y tomber d’ici 2030 dans les pays touchés par les conflits.
Face aux crises, au dérèglement climatique, à la pandémie, à la montée des prix de
l’alimentation, les plus vulnérables sont toujours les plus touchés. Les menaces sont toujours là
en plus de tout cela, le terrorisme qui touche entre autres le Sahel comme le Moyen-Orient, la
prolifération nucléaire en Iran comme en Corée du Nord, que nous n’avons pas réussi à
endiguer. Telles sont nos urgences. Et à la cavalcade, la description que je viens d’en faire n’est
pas exhaustive, mais elles sont à chaque fois ou le résultat des défaillances profondes de notre
système international qui a su accompagner les bénéfices de la mondialisation mais n’a pas su
endiguer ses fractures, ses menaces, ses déséquilibres, ou la conséquence de nos divisions entre
nous.[mfn]Let’s look at Pakistan: a third of the country under water, more than 1,400 dead, 1,300 injured, million people in emergency situations. Let’s look at the Horn of Africa, the worst drought for 40 years and a rainy season that will undoubtedly be even worse. Half of humanity now lives in the climate danger zone. Our ecosystems reach the points of no return. Look at Somalia, Yemen, South Sudan, Afghanistan: the starvation returns. The food crisis is hitting the most vulnerable everywhere and the hardest. 345 million people in the world are in a situation of acute hunger, including 153 million of children. 55 civil wars are in progress on our planet. 100 million people are displaced. While between 1990 and 2015, 137,000 people escaped extreme poverty, 345 million could fall by 2030 in countries affected by conflict. In the face of crises, climate change, the pandemic, the rise in the price of food, the most vulnerable are always the most affected. The threats are still there in addition to all this, terrorism which affects, among other things, the Sahel as well as the Middle East, nuclear proliferation in Iran as in North Korea, which we have failed to stem. These are our emergencies. And at the cavalcade, the description that I have just made of it is not not exhaustive, but they are each time or the result of the deep failures of our international system which has been able to accompany the benefits of globalization but has not been able stem its fractures, its threats, its imbalances, or the consequence of our divisions between us.[/mfn]
Notre responsabilité commune est plutôt d’œuvrer pour aider les plus fragiles, les plus touchés
à faire face à tous ces défis. Narendra MODI, le Premier ministre de l’Inde, a eu raison de le
dire : l’heure n’est pas à la guerre. Elle n’est ni à la revanche contre l’Occident, ni à l’opposition
de l’Ouest contre le reste. Elle est au sursaut collectif de nos pays souverains et égaux face aux
défis contemporains. C’est pourquoi il est urgent de bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le
Sud, un contrat efficace et respectueux pour l’alimentation, pour le climat et la biodiversité,
pour l’éducation. Le temps n’est plus aux logiques de blocs, mais à la construction de coalitions
d’actions concrètes permettant de concilier intérêt légitime et bien commun.
Face à la crise alimentaire mondiale, la France a d’ores et déjà doublé ses financements au
Programme alimentaire mondial. Nous avons bâti avec l’Union européenne les « corridors de
solidarité » qui ont permis d’évacuer plus de 10 millions de tonnes de céréales par la voie
terrestre depuis le printemps dernier. Ceci a été utilement complété par l’accord du 22 juillet
dernier, permis grâce au travail du secrétaire général des Nations unies et qui a permis d’évacuer
2,4 millions de tonnes par la mer Noire, et qui se poursuit. Nous avons porté l’initiative FARM
(Food and Agriculture Resilience Initiative), qui permet d’approvisionner les pays vulnérables
à bas prix sans condition politique et d’investir dans la production agricole des pays qui
souhaitent sortir de la dépendance.[mfn]Our common responsibility is rather to work to help the most vulnerable, the most affected to face all these challenges. Narendra MODI, the Prime Minister of India, was right to say: the time is not for war. It is neither revenge against the West, nor opposition of the West against the rest. It is the collective outburst of our sovereign and equal countries in the face of contemporary challenges. This is why it is urgent to build a new contract between the North and the South, an effective and respectful contract for food, the climate and biodiversity, for education. The time is no longer for block logic, but for the construction of coalitions concrete actions to reconcile legitimate interest and common good. Faced with the world food crisis, France has already doubled its funding World Food Program. We have built with the European Union the “corridors of solidarity” which made it possible to evacuate more than 10 million tonnes of cereals by land since last spring. This was usefully supplemented by the agreement of 22 July last, made possible thanks to the work of the Secretary General of the United Nations and which made it possible to evacuate 2.4 million tons through the Black Sea, and still going. We carried the FARM initiative (Food and Agriculture Resilience Initiative), which makes it possible to supply vulnerable countries at low prices without political conditions and to invest in the agricultural production of the countries which want to get out of addiction.[/mfn]
Je vous annonce également que la France financera l’évacuation du blé ukrainien à destination
de la Somalie en lien avec le partenariat alimentaire mondial. Nous le ferons avec solidarité,
efficacité et exigence de pleine transparence.Demain, nous réunirons l’Union africaine, les agences des Nations unies, l’Organisation mondiale du commerce, le FMI, les banques de développement et la Commission européenne pour bâtir un mécanisme viable d’accès aux engrais pour l’Afrique, en complément, là encore, des initiatives du secrétaire général sur ce point.
Sur le climat et la biodiversité, dans quelques semaines, nous nous retrouverons à la COP 27 en
Égypte. Soyons clairs là aussi sur ce que signifie la transition juste. Notre premier combat
collectif est l’éradication du charbon. La crise ne doit pas nous faire perdre le cap. Si nous n’en
sortons pas, nous dépasserons plus encore que les prédictions ne le disent les deux degrés
Celsius. Je suis prêt à investir dans les coalitions de financement JET (Just Energy Transition),
comme nous l’avons par exemple fait avec l’Afrique du Su_d il y a quelques mois, et nous devons
poursuivre cette logique.
Mais la Chine et les grands émergents doivent prendre une décision claire à la COP. C’est
impérieux. Nous devons bâtir à cet égard, autour des grands émergents, des coalitions d’acteurs
étatiques avec nos grandes institutions financières internationales pour bâtir des solutions
complètes de production d’énergie et de changement des modèles de production industrielle,
qui seuls permettront ces transitions.
Ensuite, le G7 doit mener l’exemple. Les pays les plus riches doivent accélérer leurs
programmes de neutralité carbone, mais aussi faire l’effort de sobriété et partager les
technologies vertes. Vous savez, en la matière, pouvoir compter sur l’Union européenne. Je
crois aussi qu’il nous faut reconnaître qu’il existe, pour les pays les plus pauvres, une difficulté
à agir en même temps pour la lutte contre la grande pauvreté et l’accélération de la transition.
Nous ne pouvons pas demander la même chose à l’Afrique subsaharienne, aux 600 millions de
personnes qui n’ont toujours pas accès à l’électricité et aux grands émetteurs. C’est pourquoi la
solidarité financière, la solidarité technologique des plus riches doit être renforcée sur le plan
climatique à l’égard des pays les plus pauvres. Apporter des financements, apporter des
solutions et accélérer cet agenda comme nous avons su le faire au moment de la pandémie, mais
de manière encore plus forte, plus efficace, plus résolue.[mfn]Next, the G7 must lead by example. The richest countries must accelerate their carbon neutrality programs, but also make the effort of sobriety and share the green technologies. You know, in this matter, to be able to count on the European Union. I also believe that we must recognize that there is, for the poorest countries, a difficulty to act at the same time for the fight against extreme poverty and the acceleration of the transition. We cannot ask the same of sub-Saharan Africa, of the 600 million people who still do not have access to electricity and large emitters. This is why the financial solidarity, the technological solidarity of the richest must be reinforced in terms of climate with regard to the poorest countries. Provide funding, provide solutions and accelerate this agenda as we were able to do at the time of the pandemic, but in an even stronger, more effective, more resolute way.[/mfn]
Nous devons aussi, dans ce contexte, protéger ensemble nos puits de carbone et nos trésors de
biodiversité. La France accueillera avec le Costa Rica la Conférence des Nations unies pour les
océans en 2025. Faisons-en la COP21 des océans.
Sur la santé, nous devons apprendre de la pandémie de Covid-19. À cet égard, nous devons
reconnaître que notre première ligne de défense, ce sont les systèmes et les personnels de santé
dans les pays les plus fragiles. J’insisterai sur ce point crucial lors de la reconstitution du Fonds
mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la France restera l’un
des tout premiers contributeurs. Nous devons aussi nous assurer que l’OMS mette bien en place
les systèmes d’alerte précoce dont nous avons besoin pour prévenir la propagation d’autres virus
et nous devons traiter ensemble santé humaine et animale. C’est le sens même de l’initiative
“Une seule santé” que la France porte avec plusieurs autres.
Comme nous le faisons avec le Partenariat mondial pour l’éducation, poursuivons nos efforts
pour que les enfants aillent à l’école après une pandémie qui les en a privés. C’est lutter à la
source contre toutes les inégalités et travailler pour notre avenir à tous.
Vous le voyez, sur tous ces sujets, c’est plus de coopération, ce sont des partenariats d’acteurs,
entre l’Ouest le Sud, entre le Nord et le Sud, qu’il faut développer. C’est plus d’engagement
dans nos grandes institutions. Tout cela, c’est l’inverse d’une division qu’on veut installer. Qui
pendant la pandémie était là ? Qui propose des financements face à la transition climatique ?
Pas ceux qui aujourd’hui vous proposent un nouvel ordre international et qui n’avaient pas de
vaccin qui marche et qui ont été peu solidaires, et qui n’apportent rien face au climat.
Face à tous ces défis, qui sont les nôtres collectivement, nous devons être plus solidaires,
coopérer davantage, mais en aucun cas céder à des sirènes qui ne mènent nul part. Pour y arriver,
nous devons aussi être lucides sur la situation des pays les plus pauvres et des pays à revenus
intermédiaires qu’ils soient en Afrique, sur le continent sud-américain, en Asie ou dans le
Pacifique. La pandémie a encore accru les inégalités, la guerre et ses conséquences accroissent
les difficultés pour nombre de ces pays. Le G20 doit donc impérativement tenir l’objectif qu’il
s’est donné l’an dernier de mobiliser 100 milliards de dollars à partir des droits de tirage
spéciaux.[mfn]As you can see, on all these subjects, it is more cooperation, it is partnerships of actors, between the West and the South, between the North and the South, that must be developed. It is more commitment in our major institutions. All this is the opposite of a division that we want to install. Who during the pandemic was there? Who offers financing in the face of climate transition? Not those who today offer you a new international order and who did not have a vaccine that works and who have shown little solidarity, and who bring nothing to the climate. Faced with all these challenges, which are ours collectively, we must show more solidarity, cooperate more, but in no case give in to sirens that lead nowhere. To succeed, we must also be lucid about the situation of the poorest countries and middle-income countries, whether in Africa, on the South American continent, in Asia or in the Peaceful. The pandemic has further increased inequalities, the war and its consequences are increasing the difficulties for many of these countries. The G20 must therefore imperatively meet the objective it set itself last year of mobilizing 100 billion dollars from special drawing rights.[/mfn]
Mais nous devons aller plus loin et plus fort. D’abord sur la base de ces émissions de droits de
tirage spéciaux du FMI, nous devons mettre en œuvre ce à quoi nous nous sommes engagés.
Tant de pays, en particulier en Afrique, n’ont pas encore vu cet argent et nous ne pouvons plus
leur expliquer que tel parlement bloque, que telle règle l’empêche. C’est impossible ! Nous
arriverons trop tard. Mais nous devons aller plus loin car la difficulté est encore plus grande. Il
nous faut donc passer à 30% de réallocation de nos droits de tirage au profit des pays africains
les plus exposés et des pays les plus pauvres partout sur la planète.
Et nous devons, avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, réengager nos
dispositifs qui ne sont plus adaptés au contexte actuel. Les règles que nous appliquons
aujourd’hui sont les règles des années 80. La situation de notre planète post-Covid 19, avec une
accélération du dérèglement climatique et d’un effondrement de la biodiversité, et en raison des
déséquilibres créés par la guerre, accroît nos exigences de solidarité. Il nous faut un nouveau
pacte financier avec le Sud. Voilà notre vraie ligne de front, celle qui doit nous rassembler non
pas contre un ennemi commun, non pas contre des histoires fausses ou des révisions historiques, mais pour la planète que nous habitons tous et pour l’égalité des chances à l’échelle de
l’humanité.
Ce combat, c’est le nôtre, c’est celui qui nous réunit tous. Il suppose simplement de faire un peu
plus d’efforts, de tenir nos accords, d’être exigeant et respectueux les uns avec les autres. Mais
ce combat, qui est le vrai, si nous ne sommes pas capables de le mener ensemble, sera la source
de toutes les fractures et des conflits à venir. J’invite tous ceux qui veulent bâtir avec nous ce
nouveau contrat à venir au Forum de Paris sur la Paix le 11 novembre prochain pour préparer
le G20 de Bali et avancer ensemble, sans jamais renoncer aux valeurs qui nous sont communes
et aux principes qui nous guident.[mfn]This fight is ours, it is the one that unites us all. It just supposes doing a little more effort, to keep our agreements, to be demanding and respectful with each other. But this fight, which is the real one, if we are not able to carry it out together, will be the source of all the fractures and conflicts to come. I invite all those who want to build with us this new contract to come to the Paris Peace Forum on November 11 to prepare the G20 in Bali and move forward together, without ever giving up the values that are common to us and the principles that guide us.[/mfn]
Allons à l’essentiel, ne nous résignons pas à la fragmentation du monde et à la montée des
menaces à la paix, ne permettons pas que les crises s’additionnent, que les conflits sans solutions
se multiplient et que prolifèrent les armes de destruction massive. Ce sont autant de risques que
nous ne pourrons plus maîtriser à l’avenir sans associer les puissances régionales les plus
directement concernées. C’est précisément ce travail d’association des puissances régionales
que nous voulons faire au Moyen-Orient en assurant le suivi de la Conférence de Bagdad que
nous avons tenue en 2021, pour la stabilité de l’Irak, pour celle du Liban et de toute la région.
Les membres du P5 ne sont plus les seuls à avoir leur mot à dire. Et s’ils l’ont, et ils l’ont
incontestablement, cela ne peut désormais fonctionner que si nous sommes capables d’œuvrer
plus largement au consensus international nécessaire à la paix. C’est pourquoi je souhaite que
nous engagions enfin la réforme du Conseil de sécurité afin qu’il soit plus représentatif,
accueille de nouveaux membres permanents et reste capable de jouer tout son rôle en limitant
le recours au droit de veto en cas de crimes de masse. Ce qu’il nous faut faire ensemble, c’est
bâtir la paix et l’ordre international contemporain au service des objectifs de notre Charte. Sur
ce chemin, les Nations unies pourront indéfectiblement compter sur la France. Sur ce chemin,
chaque pays ici présent pourra indéfectiblement compter sur la France. Je vous remercie.[mfn]Let’s get to the point, let’s not resign ourselves to the fragmentation of the world and the rise of threats to peace, let’s not allow crises to pile up, conflicts without solutions multiply and that weapons of mass destruction proliferate. These are all risks that we will no longer be able to control in the future without associating the most directly concerned. It is precisely this work of association of the regional powers that we want to do in the Middle East by ensuring the follow-up to the Baghdad Conference that we held out in 2021, for the stability of Iraq, for that of Lebanon and the entire region. The members of the P5 are no longer the only ones to have their say. And if they got it, and they got it unquestionably, this can now only work if we are able to work more broadly for the international consensus necessary for peace. This is why I wish that finally, we are embarking on the reform of the Security Council so that it is more representative, welcomes new permanent members and remains capable of playing its full role by limiting recourse to the right of veto in the event of mass crimes. What we must do together is to build peace and the contemporary international order in the service of the objectives of our Charter. On this path, the United Nations can unfailingly count on France. On this path, each country present here can unfailingly count on France. Thank you.[/mfn]